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Travailleurs intérimaires et bien-être au travail : comment relever ce défi longtemps négligé ?


Lecture: 7 minutes
16 février 2024
Article

En intérim aussi, les travailleurs rencontrent leurs propres défis psychosociaux. Structures d’accueil et intérimaires ont leur rôle à jouer pour en réduire les effets sur la santé mentale de ces derniers. Pour réduire les marqueurs de stress chez les intérimaires, Dounia Techec, psychologue du travail, nous livre ses clés.




Défis psychosociaux et sources de stress : l’intérim sous le prisme de la psychologie du travail


« Je tiens tout d’abord à rappeler que ce statut n’est pas mal vécu par bien des intérimaires », précise d’emblée Dounia Techec, psychologue du travail, « Cependant, il y a des risques à ne pas négliger pour préserver au mieux la santé mentale et le bien-être au travail des intérimaires ». Parmi ces risques, l’experte en note trois majeurs : la peur du lendemain, la perte d’estime de soi et le risque d’isolement.


Concernant les appréhensions que peuvent ressentir les intérimaires face à l’instabilité de leur statut, Dounia Techec apporte quelques précisions. « Que faire si je ne trouve pas de contrat par la suite ? Comment ne pas perdre mon rythme de vie ? Comment gérer le volet financier ? Voilà autant de questions que peuvent se poser les personnes concernées par ce type de contrats », illustre-t-elle ainsi. Des questions que se pose en effet Vadim, intérimaires depuis maintenant quatre ans et demi. « Les premiers mois ont été éprouvants, j’avais la boule au ventre à l’approche de la fin de mon premier contrat, j’ai rapidement perdu confiance en moi, j’avais l’impression de ne pas être à la hauteur des attentes des entreprises », souligne l’intérimaire de 37 ans, dans l’informatique, « J’ai rapidement choisi, sur les conseils de ma compagne, de voir un psychologue et cette aide m’a permis de moins me prendre la tête lors des missions suivantes », précise l’intérimaire. Et Vadim de poursuivre : « Je reste pro-actif dans mes recherches, bien sûr, mais je n’ai plus cette peur dévorante de ne pas retrouver de travail, et si ça arrive, ce n’est pas grave, ce n’est plus source d’anxiété chez moi ».


Au-delà du stress, le sentiment d'isolement et le manque de reconnaissance peuvent peser sur le bien-être des intérimaires : « Comme ils ne font pas partie intégrante de l'entreprise d'accueil, on peut avoir ce sentiment », souligne ainsi Dounia Techec. L’experte insiste sur l'importance pour les entreprises d'accueil et les agences d'intérim de reconnaître la valeur des intérimaires, pas seulement sur le plan financier, mais également sur le plan moral. « Remercier, savoir pointer les éléments positifs… Voilà autant de façons de le faire », illustre-t-elle.


Car, oui, les structures d’accueil ont, elles aussi, leur rôle à jouer dans la préservation du bien-être des intérimaires.


Bien-être au travail des intérimaires : comment le favoriser en entreprise ?


Selon Dounia Techec, plusieurs actions peuvent être mises en place dès la signature du contrat. « Cela passe tout d’abord par un processus d'intégration préalable complet », souligne ainsi l’experte. Selon elle, c’est un moyen d’entamer le processus de collaboration de la manière la plus saine qui soit, « avant même l'arrivée de la personne », en établissant un contact téléphonique ou en physique. Ces échanges permettent d'expliquer en détail « ce qui va se passer le jour de l’arrivée de l’intérimaire, avec qui il va travailler, et ce que sa mission implique concrètement ». En bref, toutes les clés pour se sentir bien et en confiance dès le premier jour. L’objectif est de créer dès le départ « un lien privilégié avec l’intérimaire » afin qu'il se sente accueilli et bien informé. L’experte préconise également « un accueil en physique le jour-J » pour « remettre de l'humain au cœur du processus ». Autant d’attentions qui peuvent faire la différence, comme le confirme Vadim. « Les entreprises ayant un processus d’intégration complet qui ne fait pas de différence entre salariés permanents et intérimaires sont celles dans lesquelles je me suis senti le mieux, c’est indéniable », illustre-t-il ainsi, « ça met en confiance et donne le la quant à la suite de la collaboration. On se sent attendu, c’est important ».


Dounia Techec insiste aussi sur l'importance des « marques de reconnaissance », toujours pour montrer à l'intérimaire qu'il est valorisé et que son travail est apprécié. Pour favoriser les interactions sociales et l'intégration, elle propose d'organiser « un temps informel autour d'un café » où les échanges peuvent se faire plus spontanément.


En outre, Dounia souligne l’importance capitale de fournir aux intérimaires — comme aux salariés permanents — « les informations à disposition sur leur sécurité » (emplacement des sorties de secours, qui sont les équipiers de première intervention et les sauveteurs secouristes du travail, comment contacter la sécurité en cas de besoin…) afin qu'ils se sentent en confiance dans leur nouvel environnement de travail.


En adoptant ces diverses pratiques, les structures d’accueil peuvent contribuer à améliorer le bien-être et l'épanouissement des intérimaires au sein de l’entreprise.


Préserver son bien-être au quotidien en tant qu’intérimaire : les bonnes pratiques à adopter


Préserver son bien-être au quotidien en tant qu'intérimaire passe invariablement par une attention particulière à sa santé mentale, souligne Dounia Techec. Elle met en garde contre les signes de détresse psychologique tels que la tristesse persistante, la perte d'estime de soi ou des changements notables dans les habitudes alimentaires : « À partir du moment où on se sent triste, morose toute la journée pendant plusieurs jours ou semaines, que cela a un impact sur l’appétit et donc sur votre poids, une attention particulière doit être portée à la santé mentale ».


Pour obtenir de l'aide, Dounia recommande de se tourner vers ses proches, ou diverses ressources accessibles aux intérimaires, notamment les centres médico-psychologiques (CMP), les psychologues, les CCAS, la sophrologie, ou encore une simple discussion avec son médecin traitant ou une assistante sociale. Elle insiste sur l'importance d'intégrer ces ressources dans les documents d’intégration des structures d’accueil et de rendre les numéros d'urgence facilement accessibles : « Les numéros nationaux, comme le 3114, doivent faire partie de tout livret d’accueil. »


Dounia insiste sur l'importance de reconnaître ces signaux d'alarme et de chercher de l'aide dès qu'ils se manifestent. « Dès que les symptômes sortent de l’ordinaire et qu'ils semblent durer, ce sont les signes que ça ne va pas, et qu’il faut être pris en charge. » Selon l’experte, la santé mentale est tout aussi importante que la santé physique, et il faut donc traiter la dépression ou l'anxiété chronique avec la même attention que toute autre condition médicale : « C’est aussi important qu’une jambe cassée. »


Et au quotidien ? « Les techniques de respiration, la méditation ou tout simplement une activité physique peuvent aider à réduire les moments de stress chez les travailleurs », conseille la psychologue du travail. Le bien-être passe aussi par les petites attentions quotidiennes envers soi !


Voilà autant de bonnes pratiques que les intérimaires peuvent mettre en place et demander afin de mieux préserver leur bien-être et d’accéder aux soutiens nécessaires en cas de besoin.

©MidJourney / Tremplins
16 février 2024